Tu vas découvrir un auteur-illustrateur qui ne fait rien comme les autres. Il dessine depuis toujours, raconte des histoires qui bousculent, et utilise son art pour secouer les consciences — sans jamais oublier d’être drôle, subtil et profondément humain.
Entre récits dystopiques, engagement politique et passion pour les shonens, il nous parle ici de son parcours, de ses influences, et de cette envie furieuse de créer du lien. Même (et surtout) quand il parle de livreurs précaires, de sociétés absurdes ou de BD en case unique.
On te laisse découvrir cette rencontre passionnante, sincère, et sans filtre.
Peux-tu nous parler de ton parcours en tant qu'auteur et illustrateur ? Quelles étapes t'ont conduit à devenir celui que tu es aujourd'hui ?
Depuis aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours dessiné. Mais c’est il y a environ 15 ans que j’ai commencé à prendre le dessin et la narration plus au sérieux. Autodidacte, j’ai débuté par la peinture digitale. Très vite, j’ai été inspiré par des artistes comme Pénélope Bagieu, qui partageaient leurs BD sur leurs blogs, et j’ai suivi le même chemin. Cela m’a permis de partager mes émotions, notamment pendant des périodes difficiles comme la dépression. Avec le temps, mon envie de raconter des histoires plus longues, souvent de fiction, a grandi. Aujourd’hui, je continue à adapter mon format en fonction de l’évolution des plateformes.
Qu'est-ce qui t'a poussé à explorer des récits qui défient les normes ?
Mon inspiration vient d’influences variées, comme les shonens ou certains auteurs de bande dessinée franco-belge, tels que Marc-Antoine Mathieu. J’aime particulièrement les BD qui jouent avec les codes et les références culturelles, car j’adore reconnaître les influences dans les œuvres que je lis et tisser des liens entre elles. C’est ainsi que je les mémorise et les garde en tête.
Comment des œuvres comme Quai d'Orsay ou les dystopies de Marc-Antoine Mathieu ont-elles influencé ton travail ?
Quai d'Orsay a été la première BD politique que j’ai lue. C'était ultra référencé, légèrement engagé, et ça abordait les coulisses de la politique, ce qui, selon moi, est la meilleure manière de la comprendre. Avec Marc-Antoine Mathieu, c’est l’aspect science-fiction exploré sans complexes qui m’a marqué. J’avais l’impression que ses BD ne racontaient rien, mais montraient juste des choses cools, ce qui m’a donné envie de faire pareil. Plus tard, j’ai compris qu’il y avait du sens derrière ses histoires. Depuis, j’ai du mal à ne pas raconter des histoires structurées et cohérentes, même si parfois j’ai juste envie de tout casser et de dessiner sans raison particulière. Je n’ai pas encore trouvé cet équilibre.
Pourquoi crois-tu que le storytelling est une force motrice du changement ?
Je ne sais pas si je l’ai déjà dit, mais je ne pense pas que le progrès soit un objectif en soi. En revanche, le storytelling est un vecteur de changement car c’est un moyen de communication qui n’a pas les mêmes barrières que l’information, la presse ou les débats. Les gens abordent les fictions avec plus d’ouverture d’esprit, ils acceptent plus facilement qu’on ait des avis différents ou qu’on parle de sujets intimes. Cela permet de transmettre des idées qu’on n’aurait peut-être jamais pu exprimer autrement. Quand les gens partagent leur vécu intérieur, ils deviennent plus aptes à collaborer.
Comment tes œuvres dénoncent-elles les injustices et incitent-elles à l’action ?
Ma dernière histoire vise à créer de l’empathie envers les livreurs de plateformes. Je compte sur les lecteurs pour changer leurs habitudes après avoir lu mon travail. J’utilise aussi des formats plus directs, comme des strips ou des stories, pour parler de politique et partager mes connaissances sur le sujet. Concernant l’action concrète, je n’ai pas vraiment de stratégie au-delà de la transmission d’idées. Je remarque simplement qu’au moment des élections, j’arrive à convaincre certains abstentionnistes de voter à gauche, donc ma démarche fonctionne, au moins un peu.
L’art comme pouvoir : Pourquoi est-il important pour toi de transmettre des messages forts à travers ton art, notamment pour inciter les gens à s’engager politiquement ?
Je pense que tous les artistes essaient de faire passer des messages, sinon, c’est trop difficile de se lever le matin et de dessiner. Comme pour n’importe quel travail, on le fait soit pour gagner de l’argent, soit parce qu’on croit en ce qu’on fait. Mais les artistes commencent souvent sans être payés, donc il faut une motivation forte pour persévérer et ne pas abandonner.
Concernant l’engagement politique, ce n’est pas quelque chose qui me tient particulièrement à cœur. Je ne suis pas un militant à la base, c’est juste que les questions politiques me passionnent et nourrissent mes œuvres.
Quels thèmes principaux explores-tu dans tes bandes dessinées, et comment les abordes-tu ?
Le thème central de mes œuvres est la prise de conscience de l’horreur des sociétés dans lesquelles nous vivons, et la question de savoir comment continuer à apprécier la vie sans sombrer dans le déni. Face à la réalité du monde, on a le choix entre fermer les yeux ou affronter cette contradiction tout en cherchant à s’émanciper et à être heureux. J’essaie d’inciter mes lecteurs à affronter cette contradiction, car je pense que cela crée des individus plus riches et des vies plus épanouies.
Ce n’est pas que j’ai l’impression d’apprendre quelque chose aux gens. En général, tout le monde sait déjà que des milliards de personnes souffrent de la faim à cause de notre mode de vie occidental. Mais nous sommes entourés de dispositifs médiatiques qui nous poussent à l’oublier. Je participe à contrebalancer cela. Par exemple, on tente de nous faire oublier que les livreurs vivent souvent dans la pauvreté. Moi, j’essaie de créer un lien émotionnel avec un livreur dans ma BD pour montrer cette réalité et comment il gère cette contradiction.
Que signifie pour toi le prix remporté par Le Monde Brûle au Festival d'Angoulême ?
Il n’y a pas de prix pour la BD numérique à Angoulême. Pour moi, ce prix est une forme de reconnaissance dans ce milieu. J’espère qu’un jour il y aura un prix officiel pour la BD numérique, et que l’on n’aura plus besoin d’imprimer nos œuvres pour être récompensés.
En quoi Instagram représente-t-il pour toi un espace de rencontre et de dialogue ? Comment utilises-tu ce réseau social aujourd’hui ?
Je suis plus un influenceur qu’un auteur de BD, en réalité. Instagram dicte mes contraintes, et je produis des contenus pour toucher les gens et les faire réagir. Techniquement, si je devais choisir entre la BD et les réseaux sociaux, je garderais probablement les réseaux sociaux et j’y ferais autre chose. Si j’avais plus de temps, je produirais du contenu sur plusieurs plateformes pour accroître mon influence. C’est ça qui permet de toucher les gens et, peut-être, de les faire changer.
Qu’est-ce que les gens seraient surpris d’apprendre sur toi ?
Je lis énormément. Pendant le Covid, je lisais près de 300 livres par an, et aujourd’hui, j’en lis une centaine. Principalement des ouvrages politiques, mais de plus en plus de littérature. J’aime entrer dans l’esprit des gens, et les livres sont le meilleur moyen pour cela.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de rejoindre l’aventure Moga ?
Ce sont l’enthousiasme et l’ambition des créateurs. D’autres plateformes m’avaient déjà proposé d’imprimer mes œuvres, mais c’était toujours une démarche impersonnelle. Avec Valentin et Dimitri, j’ai eu une vraie discussion, ils m’ont expliqué leur projet en détail. C’était la première fois que j’avais un échange humain et non un mail générique. Avec Moga, j’ai vraiment l’impression de faire partie d’une équipe, et c’est tout ce que je recherche dans une collaboration.
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